BlogActualitéLe devoir de diligence dans la chaîne de valeur : ce que prévoit la nouvelle directive européenne

Le devoir de diligence dans la chaîne de valeur : ce que prévoit la nouvelle directive européenne

Concept historiquement ancré dans le droit anglo-saxon, le devoir de diligence est devenu un pivot de la responsabilité des entreprises. S’il est par essence associé au discernement individuel pour prévenir les préjudices, sa portée s’est élargie pour englober des chaînes d’approvisionnement complexes sur une pluralité de préoccupations éthiques.

Et un changement majeur se profile à l’horizon : une directive européenne qui pourrait redéfinir les contours de la diligence pour les entreprises opérant au sein de l’UE. Décryptage…

La brève histoire du devoir de diligence

Historiquement, la notion de devoir de diligence trouve ses racines dans le droit anglo-saxon, notamment dans le cadre du droit des affaires et des contrats. Elle se référait au départ à l’obligation pour un individu de faire preuve d’une certaine prudence et d’un certain sens du discernement dans ses actions pour éviter de causer un préjudice à autrui. Avec l’essor des transactions commerciales et financières internationales au 20e siècle, le concept a évolué pour désigner l’ensemble des vérifications effectuées avant une opération d’envergure, comme une fusion ou une acquisition.

À ses débuts, le devoir de diligence était essentiellement axé sur la santé financière et la conformité réglementaire des organisations. La mondialisation a fait évoluer le concept, notamment à cause de la complexité croissante des chaînes d’approvisionnement et l’émergence de préoccupations sociétales variées comme le respect des droits de l’Homme, la protection de l’environnement ou encore la gouvernance éthique.

Devoir de diligence dans la chaîne d’approvisionnement : de quoi parle-t-on ?

Dans le contexte évoqué plus haut, les entreprises sont désormais tenues de surveiller, d’évaluer et de gérer activement les risques liés à leurs fournisseurs et sous-traitants sur toute la longueur de leur chaîne d’approvisionnement, que ces risques soient d’ordre financier, opérationnel, social, environnemental ou éthique.

Concrètement, lorsqu’une entreprise source un produit ou un service, elle ne se base plus uniquement sur des critères économiques comme le coût, la qualité, les facilités de paiement, les délais de livraison, etc. Sous la pression des réglementations, des parties prenantes et/ou du Code de conduite interne, elle doit s’assurer que ses fournisseurs respectent certaines normes, de l’extraction de la matière première à la distribution, sur des thématiques aussi diverses que les droits de l’Homme, l’éthique des affaires ou la protection de l’environnement.

Les chaînes d’approvisionnement modernes, souvent transnationales, présentent un degré de complexité tel que chaque étape présente des risques spécifiques. Par exemple, un fournisseur pourrait sous-traiter une partie de sa production sans que l’acheteur initial n’en soit informé. Si cette sous-traitance se réalise dans des conditions précaires ou non conformes à certaines normes, la responsabilité de l’entreprise, au moins d’un point de vue réputationnel (si ce n’est légal, voir plus bas), peut être engagée.

Le cadre juridique du devoir de diligence en france

La loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre de 2017 constitue le socle principal du cadre juridique français en matière de devoir de diligence. Elle cible les sociétés françaises de plus de 5 000 employés (en France) ou plus de 10 000 employés à l’échelle mondiale (filiales comprises). La loi exige la création et la mise en œuvre d’un plan de vigilance détaillant :

  • La cartographie des risques pour identifier et analyser les atteintes potentielles aux droits humains, à l’environnement et à la santé ;
  • Les procédures d’évaluation de ces risques en fonction de la chaîne d’approvisionnement ;
  • Des actions concrètes pour atténuer ces risques et renforcer la prévention ;
  • Le suivi et l’évaluation des mesures prises ;
  • Un mécanisme d’alerte interne et de collecte d’informations sur les risques.

La genèse de cette loi doit beaucoup à un événement qui a marqué les esprits : l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, en 2013. Quelques jours avant la catastrophe, des fissures avaient été détectées sur les murs du bâtiment, mais les ouvriers n’ont pas été autorisés à s’absenter et ont été contraints à travailler dans des conditions dangereuses. L’effondrement, qui a coûté la vie à plus de 1100 travailleurs, a mis en lumière les graves conséquences de la négligence des entreprises vis-à-vis de leur chaîne d’approvisionnement. De nombreuses grandes marques internationales, dont certaines françaises, s’approvisionnaient auprès de ces ateliers, révélant ainsi un manque de diligence dans le contrôle de leurs fournisseurs.

Le champ d’application du devoir de vigilance ainsi que les sanctions encourues ont été traités dans cet article de synthèse.

La France, par son initiative, a montré la voie. L’Union Européenne travaille actuellement sur une directive relative au devoir de diligence en matière de droits de l’Homme et de l’environnement pour les entreprises dans l’objectif d’harmoniser les règles au sein du marché unique. Une fois adoptée, elle pourrait influencer le cadre juridique français en la matière. Les entreprises françaises, déjà soumises à la loi de 2017, pourraient donc voir certaines de leurs obligations évoluer ou s’intensifier pour répondre aux exigences européennes.

Devoir de diligence : que prévoit la directive européenne à venir ?

L’Europe est à un tournant décisif en ce qui concerne la responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs impacts sociétaux et environnementaux. La future directive sur le devoir de vigilance devrait muscler et harmoniser le cadre législatif dans l’UE.

Rappelons que les eurodéputés ont voté le 1er juin dernier en faveur du rapport de la Commission des Affaires juridiques concernant la position du Parlement européen sur la proposition de directive du devoir de vigilance (volet « durabilité »).

Les négociations dites « trilogues » (Parlement, Commission, Conseil) devraient continuer au moins jusqu’à la fin de l’année 2023, mais le seuil minimal d’ambition de la directive est relativement établi. Synthèse :

  • La position du Parlement européen intègre une obligation pour les entreprises d’évaluer comment leurs activités, leur modèle économique et leurs pratiques d’achat peuvent contribuer aux abus dans leurs chaînes de valeur et d’y remédier. Les entreprises doivent également consulter les parties prenantes, notamment celles qui sont particulièrement vulnérables, ce qui était absent des propositions de la Commission et du Conseil. A noter : le Parlement prévoit d’intégrer des mesures pour éviter que les entreprises ne transfèrent la responsabilité à leurs tiers.
  • Le Parlement souhaite que le devoir de vigilance concerne les entreprises de plus de 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires annuel de plus de 40 millions d’euros, indépendamment du secteur dans lequel elles évoluent.
  • Contrairement à la Commission qui limite le devoir de vigilance aux « relations commerciales établies », le Parlement étend ce devoir à l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise : la vente, la distribution, le transport, le stockage et la gestion des déchets.
  • La position du Parlement stipule que la simple participation à des initiatives sectorielles ou réalisation d’audits ne dédouane pas l’entreprise de sa responsabilité juridique en cas d’abus.
  • Le Parlement européen souhaite lever les obstacles procéduraux pour les victimes des abus des entreprises. On parle notamment de la possibilité pour les victimes de lancer des recours collectifs, la représentation des victimes par des syndicats ou organisations de la société civile, la possibilité pour les juges d’exiger des entreprises qu’elles divulguent des informations si les victimes peuvent fournir des preuves préliminaires d’une violation probable de la directive, etc.

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Les entreprises françaises et européennes font face à un renforcement des exigences en matière de devoir de diligence. La France, avec sa loi de 2017, et l’Union Européenne, avec la directive à venir, fixent des standards de plus en plus précis pour assurer une chaîne d’approvisionnement éthique et responsable.

Ces exigences réglementaires impliquent une surveillance accrue des fournisseurs et sous-traitants, une évaluation rigoureuse des risques et une réponse proactive aux éventuelles défaillances. Sans une solution adaptée, cette tâche peut rapidement devenir complexe, notamment face à la variété des documents à collecter et à vérifier.

Tiers de Collecte Probatoire (TCP), Provigis a développé une solution logicielle en mode SaaS qui facilite la gestion de la conformité en automatisant la collecte et la validation des documents légaux de vos tiers.

Grâce à une couverture étendue des risques fournisseurs, allant de la conformité légale aux normes sectorielles, nous vous offrons une vision claire et actualisée de la situation de vos partenaires pour vous permettre d’évoluer sereinement, même dans l’hypothèse d’une directive européenne plus « musclée » que la loi nationale.

Claude Tempe

Diplômé de Paris Dauphine, Claude Tempe a travaillé pendant 20 ans dans le Conseil (Ernst & Young, création du cabinet de conseil Cartem puis Direction Générale du Groupe Alti (CA 120 M€, plus de 1 000 consultants)) avant de rejoindre Freelance.com en 2015. Claude a été appelé par CBV Ingénierie, nouvel actionnaire majoritaire de Freelance.com en 2015, pour restructurer et relancer Freelance.com. Directeur Général de Freelance.com de 2015 à fin 2018, Claude a redressé Freelance.com et l’a ramené à la croissance et à la profitabilité avec 24 trimestre de croissance à 2 chiffres, tous rentable. Il a notamment géré l’intégration de l’activité portage salarial d’AD’Missions et construit une stratégie de croissance rentable. A partir de 2019, en tant que Vice-Président du Groupe et Senior Advisor, Claude aide dans la définition de la Stratégie, est le porte-parole du Groupe auprès des investisseurs et des médias et accompagne la mise en place d’une stratégie de croissance externe ambitieuse (rachat d’Inop’s en 2020, d’Helvetic Payroll en 2021).

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