Bilan carbone, RSE et conformité des tiers : entre compétitivité et responsabilité
Le bilan carbone n’est pas simplement une contrainte réglementaire (pour certaines entreprises) ou un simple indicateur de performance environnementale. C’est un révélateur des forces et faiblesses de l’entreprise dans un monde où la transition écologique n’est plus une option.
Concrètement, il permet d’identifier les sources d’émissions, d’optimiser les coûts, de préparer l’avenir, de consolider la réputation de l’entreprise et d’améliorer sa marque employeur. Mais la responsabilité de l’entreprise va au-delà de ses propres actions : elle doit également surveiller le bilan carbone de ses partenaires commerciaux et s’assurer de leur conformité au regard des réglementations mais aussi de ses propres normes. A bien des égards, le bilan carbone se situe au cœur des enjeux contemporains de l’entreprise, entre compétitivité et responsabilité.
De quoi le bilan carbone est-il le nom ?
La notion de bilan carbone émerge réellement dans le discours public à la fin des années 1990 et au début des années 2000, dans le contexte de la prise de conscience de la réalité du réchauffement climatique et des efforts internationaux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
L’expression « bilan carbone » a été popularisée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui a lancé un outil sobrement intitulé « Bilan Carbone ® » en 2004 pour aider les entreprises et les collectivités à évaluer leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).
Dans son sens le plus strict, le bilan carbone est une méthode d’évaluation de la quantité de gaz à effet de serre émise par une entité, qu’il s’agisse d’une entreprise, d’un produit, d’un événement ou d’un ménage, au cours d’une période donnée. Ce calcul prend en compte les émissions directes (émanant de sources propres à l’entité) et les émissions indirectes (provenant de la consommation d’électricité, de chaleur ou de vapeur).
Le bilan carbone est progressivement devenu une composante clé de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), bien avant les obligations réglementaires en la matière (voir plus bas).
Calcul du bilan carbone : l’exemple concret d’une ESN
TechNova est une entreprise (fictive) de services numériques basée à Paris avec une équipe de 50 salariés. Supposons que TechNova utilise l’électricité pour ses serveurs et l’éclairage, le gaz pour le chauffage, possède une petite flotte de véhicules pour les déplacements professionnels et a un certain nombre de salariés qui voyagent fréquemment en avion pour les affaires.
Commençons par calculer les émissions directes (ou scope 1 du bilan carbone) :
- TechNova possède une flotte de 5 voitures qui parcourent environ 15 000 km par an. En supposant une émission de 120 g de CO2 par km (typique pour une voiture moyenne), nous obtenons 5 x 15 000 km x 120 g/km = 9 000 000 g = 9 tonnes de CO2 ;
- En supposant une consommation de 20 000 kWh de gaz pour le chauffage des bureaux avec une émission de 200 g CO2 par kWh, nous obtenons 20,000 kWh x 200 g/kWh = 4 000 000 g = 4 tonnes de CO2.
Calculons ensuite les émissions indirectes liées à l’énergie (scope 2) :
Les serveurs et l’éclairage consomment environ 100 000 kWh d’électricité par an. En France, le mix énergétique conduit à une émission d’environ 50 g de CO2 par kWh consommé. Cela donne 100 000 kWh x 50 g/kWh = 5 000 000 g = 5 tonnes de CO2.
Et enfin les émissions indirectes (scope 3) :
- Supposons que 10 collaborateurs de TechNova voyagent en moyenne 10 000 km en avion par an. Un vol long-courrier émet environ 100 g de CO2 par km, ce qui donne 10 x 10 000 km x 100 g/km = 10 000 000 g = 10 tonnes de CO2 ;
- Supposons également que les collaborateurs de TechNova parcourent ensemble 200 000 km par an pour se rendre au travail en voiture, ce qui donne 200 000 km x 120 g/km = 24 000 000 g = 24 tonnes de CO2.
En sommant toutes ces contributions, nous obtenons un bilan carbone total de 52 tonnes de CO2 par an pour TechNova. Bien entendu, ce calcul est une simplification. Dans la réalité, l’entreprise effectuerait un audit plus détaillé pour inclure tous les postes d’émissions. A partir de son bilan carbone, l’entreprise pourra prendre un certain nombre de mesures pour réduire ses émissions (installation solaire, investissement au niveau de la flotte automobile, télétravail, etc.).
Bilan carbone : quelles obligations légales ?
En France, l’article L 229-25 du Code de l’environnement impose la réalisation d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) tous les trois ans pour les services de l’État, les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants et les établissements publics et autres personnes morales de droit public de plus 250 agents.
Le privé est également concerné, puisque l’article L 229-25 rend obligatoire l’établissement d’un BEGES tous les quatre ans pour les personnes morales de droit privé employant plus de 500 personnes en métropole et 250 personnes en outre-mer.
Il est à noter que le décret n° 2022-982 du 1er juillet 2022 est venu compléter cet article de loi. Il permet notamment d’établir un bilan consolidé des émissions de gaz à effet de serre pour l’ensemble des sociétés d’un groupe, sans se limiter aux entreprises ayant le même code de nomenclature des activités françaises de niveau 2. Ce décret a également modifié le périmètre des émissions qui doivent être obligatoirement prises en compte dans le bilan.
Les organismes concernés sont tenus de publier leur bilan carbone et peuvent s’appuyer sur les ressources réglementaires et méthodologiques fournies par l’ADEME ainsi que les Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).
Enfin, le décret n° 2021-1784 du 24 décembre 2021 a prévu l’établissement d’un bilan simplifié des émissions de gaz à effets de serre pour les entreprises de plus de cinquante salariés bénéficiant d’aides au titre du « Plan de relance ».
L’intérêt du bilan carbone au-delà des obligations légales
Au-delà de sa nature obligatoire pour certaines organisations, le bilan carbone revêt un intérêt stratégique pour toutes les entreprises, quelles que soient leur taille et leur activité, avec plusieurs avantages à la clé :
- Optimisation des ressources : l’exercice du bilan carbone permet d’identifier les sources d’émissions les plus importantes et donc les opportunités d’amélioration. En optimisant l’utilisation des ressources et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, les entreprises peuvent réaliser des économies significatives, par exemple en améliorant la gestion de l’énergie, en optimisant les déplacements et en réduisant les déchets. Ces mesures réduisent le coût d’exploitation et améliorent la rentabilité ;
- Amélioration de l’image de marque et compétitivité sur le marché :les clients, les investisseurs et les autres parties prenantes sont de plus en plus sensibles à la question du changement climatique. Ils favorisent les entreprises qui démontrent un engagement en faveur du développement durable. C’est parfois un critère éliminatoire dans les appels d’offres et les processus de sélection dans les comités d’achat. En réalisant et en communiquant sur leur bilan carbone, les entreprises peuvent améliorer leur réputation et se différencier de leurs concurrents ;
- Préparation à une réglementation future plus stricte :en prenant les devants et en intégrant le bilan carbone à leurs processus de gestion, les entreprises se préparent à faire face à des réglementations futures plus exigeantes ;
- Renforcement de la marque employeur : la réalisation d’un bilan carbone et l’engagement en faveur de la durabilité peuvent avoir un impact positif sur la marque employeur de l’entreprise. Elle pourra ainsi attirer et fidéliser les meilleurs talents.
Bilan carbone : quid de la conformité des tiers ?
La prise en compte du bilan carbone ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise. Dans un monde où l’interdépendance des activités économiques est une réalité, la question de la conformité des tiers à des normes environnementales, notamment en matière d’émissions de gaz à effet de serre, est légitime.
En effet, l’empreinte carbone d’une entreprise n’est pas seulement déterminée par ses activités directes, mais aussi par celles de ses fournisseurs, sous-traitants et partenaires commerciaux… qui résultent également de ses choix, notamment en matière dans la fonction achats. Les chaînes d’approvisionnement et de valeur sont souvent complexes et s’étendent sur plusieurs pays, avec un impact environnemental potentiellement important.
Aussi, et au-delà des questions éthiques et environnementales, la conformité des tiers en matière de bilan carbone peut avoir des implications directes sur la réputation de l’entreprise, sa responsabilité légale et sa résilience face aux chocs. Les entreprises qui négligent ces aspects peuvent se trouver confrontées à des risques financiers et de réputation, ainsi qu’à des perturbations de leur chaîne d’approvisionnement.
Les entreprises peuvent activer plusieurs leviers pour s’assurer de la conformité de leurs tiers aux réglementations légales mais aussi à leurs propres normes. Par exemple, les questionnaires RSE sont envoyés aux partenaires commerciaux pour recueillir des informations sur leurs pratiques environnementales. Ces questionnaires peuvent couvrir une variété de sujets, notamment l’efficacité énergétique, la gestion des déchets, et bien sûr, les émissions de gaz à effet de serre. Citons également la collecte et l’authentification de la certification ECOVADIS qui évalue la performance RSE des fournisseurs sur des critères environnementaux, sociaux et éthiques.
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