BlogConformitéEnquête interne anticorruption : déroulement et points de vigilance

Enquête interne anticorruption : déroulement et points de vigilance

Enquête interne anticorruption : définition, déroulement et points de vigilance

Face à l’évolution du cadre juridique et à l’impératif croissant d’une politique RSE rigoureuse, les entreprises sont amenées à renforcer leurs dispositifs de lutte contre la corruption. Après notre dossier sur la loi Sapin II et Sapin III, nous nous intéressons aujourd’hui à l’enquête interne anticorruption, un outil décisif pour objectiver des faits de corruption.

Lutte anticorruption dans les entreprises : repères juridiques

Le cadre juridique français relatif à la lutte contre la corruption s’est largement étoffé depuis le milieu des années 2010, notamment dans le monde de l’entreprise. L’entrée en vigueur de la loi Sapin II, le 9 décembre 2016, est sans doute le marqueur le plus important de cette dynamique.

Citons également le décret n°2017 – 564 du 19 avril 2017 relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte, le référentiel de la Commission nationale de l’informatique et de libertés (CNIL) du 18 juillet relatif aux dispositifs d’alertes professionnelles, la loi Waserman du 21 mars 2022 pour l’amélioration de la protection des lanceurs d’alerte et, plus récemment, le décret n°2022 – 1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités de régulation.

Cet élan devrait vraisemblablement se poursuivre avec une troisième mouture pour la loi Sapin, matérialisée par la proposition de loi n°4586 déposée le 19 octobre 2021. Vous pouvez vous reporter à notre article « Lutte anticorruption : ce qui changera avec la loi Sapin III ».

Ces évolutions législatives ont poussé les entreprises à moderniser et à renforcer leurs dispositifs de lutte anticorruption pour se conformer à la loi mais aussi dans le cadre de leur politique RSE. L’enquête interne, instrument incontournable, contribue à l’efficacité des mesures d’alerte et favorise, le cas échéant, la mise en œuvre d’une réponse pénale négociée.

Qu’est-ce que l’enquête interne anticorruption ?

L’Agence Française Anticorruption (AFA) et le Parquet National Financier (PNF) définissent l’enquête interne anticorruption comme « l’ensemble des investigations menées au sein d’une organisation, de sa propre initiative, afin d’objectiver des faits susceptibles de constituer des violations du code de conduite anticorruption pour les entreprises assujetties à l’article 17 de la loi Sapin II, des comportements non conformes aux procédures de l’entreprise visant à prévenir ou à détecter la commission de telles violations ou des indices de la commission de faits susceptibles d’être qualifiés de corruption ».

En règle générale, l’enquête interne anticorruption est un instrument que l’on retrouve le plus souvent dans les entreprises et les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) de plus de 500 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 100 millions d’euros, car assujettis à l’article 17 de la loi Sapin II. Ce dernier les oblige à mettre en place un « dispositif d’alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements […] relatifs à l’existence de conduites ou de situations contraires code de conduite ».

Comment se déroule une enquête interne anticorruption, dans la pratique ?

Tout commence par la prise de conscience d’un possible acte de corruption, que ce soit à travers des allégations d’employés, des découvertes à l’issue d’audits ou des informations provenant de sources externes.

Après avoir été alertée, la direction procède à une évaluation initiale pour juger de la crédibilité et de la gravité de l'allégation. S’il est décidé de poursuivre l’enquête, l’entreprise constitue une équipe dédiée, composée généralement de membres des départements juridique, conformité et Ressources Humaines. Cette équipe pourra éventuellement s'adjoindre les services d'experts externes, par exemple des avocats spécialisés.

L'équipe se charge ensuite de déployer un plan d'action. Elle définit les objectifs de l'enquête (portée des allégations, personnes impliquées, nature exacte des actes présumés, etc.) ainsi que la méthodologie à suivre (entretiens avec des témoins potentiels, informateurs clés et personnes suspectées, examens des communications électroniques, documents financiers, contrats, rapports d’audit antérieurs, etc.).

L’enquête est mise en œuvre de manière à préserver les données et les documents pertinents pour s’assurer de leur intégrité et éviter toute altération ou suppression qui pourrait nuire à l’investigation. Ces données doivent d’ailleurs être collectées pour des finalités « déterminées, explicites et légitimes », comme l’expliquent l’AFA et le PNF.

Une fois toutes les données collectées, l'équipe les analyse en profondeur pour déterminer si la corruption est avérée, son ampleur et les éventuelles failles dans les processus internes de l'entreprise.

Un rapport détaillé est rédigé à l’issue de l’enquête et présente les découvertes, les conclusions et propose des recommandations pour remédier aux problèmes identifiés. Sur la base de ces recommandations, l'entreprise engage des actions correctives qui peuvent aller de simples ajustements dans les procédures internes à des sanctions disciplinaires, voire des dénonciations aux autorités en cas de violations légales.

Enfin, la mise en œuvre des recommandations est étroitement surveillée, et leur efficacité est régulièrement évaluée pour garantir une amélioration continue des processus de l'entreprise.

Les points de vigilance lors d’une enquête interne anticorruption

L’AFA et le PNF proposent une série de points de vigilance pour sécuriser la procédure sur le plan juridique et pouvoir en tirer des conséquences disciplinaires et judiciaires, le cas échéant.

Ces points de vigilance se rapportent à la définition et à la formalisation de la procédure, au choix des acteurs amenés à y prendre part et aux conditions de son déroulement. Extraits choisis :

  • Dans le cadre du respect de la vie privée et de la protection des données à caractère personnel, l’employeur a l’obligation d’informer et de consulter le Comité Sociale et Économique (CSE) au sujet de l’ensemble des moyens d’investigation et de contrôle de l’activité des salariés pouvant être mis en œuvre dans le cadre d’une enquête interne anticorruption ;
  • Si l’instance dirigeante est mise en cause, une procédure de déport vers l’organe de direction ou de surveillance, ou l’une de ses formations restreintes (comme un comité d’audit ou un comité d’éthique), peut être décidée ;
  • S’il existe une situation interne de conflit d’intérêts, l’entreprise peut décider de confier l’enquête à un tiers mandaté à cet effet. L’équipe mixte est également une option ;
  • Les entreprises opérant à l’international doivent faire preuve de vigilance pour s’assurer que les moyens d’investigation, voire la procédure en elle-même, sont conformes aux législations locales ;
  • Si l’enquête interne nécessite le recours à des technologies de traitement massif de documents numérisés (« eDiscovery »), impliquant des données à caractère personnel, l’entreprise doit s’assurer de respecter le RGPD.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter le guide pratique « Les enquêtes internes anticorruption » réalisé par l’AFA et le PNG (mars 2023).

L’enquête interne anticorruption peut déboucher sur trois issues possibles :

  • Les soupçons ne sont pas confirmés : le rapport d’enquête est alors archivé dans le respect des obligations de protection des données personnelles ;
  • Les soupçons sont confirmés : application des sanctions disciplinaires prévues (si personne physique) ou dénonciation des faits à l’autorité judiciaire (si personne morale ). A noter : la non-collaboration est un cas aggravant susceptible de donner lieu à une amende de la CJIP ;
  • Les résultats de l’enquête ne sont pas probants : l’enquête interne anticorruption pourra alors être complétée par un audit externe.

En tant que Tiers de Collecte Probatoire (TCP), Provigis accompagne les entreprises dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’amélioration de leurs dispositifs anticorruption à travers des solutions innovantes et conformes au RGPD pour évaluer leurs tiers, établir la cartographie des risques et sécuriser les dispositifs d’alerte interne.

Rémi Lentheric

Au cœur des enjeux métiers des Directions Achats, notamment par l’animation du Club des Acheteurs (réseau CNA), j’accompagne les grandes entreprises et les PME dans l’utilisation de Provigis depuis plus de 10 ans en garantissant leurs processus de conformité fournisseurs. Notre service numérique Provigis s’inscrit en effet pleinement dans les démarches de digitalisation des Achats Responsables pour la prévention des risques et la pérennité des relations clients-fournisseurs. Je me tiens en permanence à l’écoute des clients, du marché et des organismes de référence dans le cadre d’une veille continue sur un contexte règlementaire en pleine mouvance.

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